La tempête, Juan Manuel de Prada

Alejandro Ballesteros est maître-assistant en histoire de l’art. Il a passé les cinq dernières années à étudier “La tempête” de Giorgione, tableau énigmatique exposé au musée de l’Accademia, à Venise. Alejandro a enfin l’occasion de se rendre dans cette ville, afin d’étayer sa théorie et d’admirer pour la première fois “la tempête” sans se trouver devant une reproduction.

A Venise l’accueillent l’acqua alta, la brume et… un meurtre.

Alejandro se retrouve alors enlisé d’abord dans un canal pas très ragoutant pour essayer de sauver cet homme, et puis enlisé totalement dans cette histoire…

Entre théorie sur l’art et roman policier dans une Venise plus que glauque, “la tempête” aurait pu être un roman brillant.

Sauf que… sauf que j’y ai trouvé des défauts à quasiment toutes les pages !

Je ne parle pas du fait que Venise y soit dépeint comme un véritable cimetière “dont les palaces sont des mausolées”. Tout y est gris, pauvre, verdâtre. Les rares touristes (nous sommes au mois de janvier, à la veille du carnaval (aparté encore : pour moi le carnaval se déroule en février, mais bon, ça n’a peut-être pas toujours été le cas)) sont évidemment rangés dans une catégorie de gens incapables de voir autre chose que les verres de Murano. La Venise de Juan Manuel de Prada n’a aucun charme. Les seules belles choses qu’on y voit sont des tableaux de grands maîtres vénitiens de la Renaissance. Pas suffisant pour donner envie de visiter celle qu’on appelle “la Sérénissime”, qui n’est pas une seule fois nommée ainsi dans le roman.

Certes, chacun sa vision de la ville et c’est intéressant de la voir sous cet aspect-là, même si c’est morbide et à faire froid dans le dos. A la limite, c’est pour moi la seule chose réussie du roman : Venise est un personnage à part entière, complètement différent de la Venise qui existe dans l’imaginaire collectif.

Ce qui m’a le plus horripilé, c’est le style : un style pompeux et répétitif. Je ne sais pas comment c’était écrit à la base mais la traduction est truffée de mot dont le sens n’est connu que par ceux qui ont écrit le dictionnaire (et encore, il y a un mot que je n’ai pas trouvé dans mon Larousse (ce qui, je l’avoue, ne m’étonne guère du Larousse)). Certes, vous pouvez m’arguer que j’ai un vocabulaire pauvre et vous aurez sûrement raison. Sauf que par dessus ça, il y a des expressions et des phrases répétées à tout va ! La logeuse de la pension à un cul plat, au moins trois ou quatre fois. Chiara, dont le pauvre Alejandro tombe amoureux, est une fausse maigre. Peut-être dix fois. Des expressions alambiquées sont suivis d’un “si la contradiction est possible” entre parenthèse au moins trois fois… Tout ça donne un ensemble qui se veut bien écrit mais qui est au final, comment dire… digne des pires harlequins ?

Pour illustrer rapidement mes propos, p.281 l’auteur parle d’un pantalon de costume de carnaval en disant “une culotte trop churrigueresque à mon goût” (je ne sais pas si vous connaissez la signification de ce mot. Moi je ne le connaissais pas, mon ordinateur ne le reconnait pas non plus!). J’ouvre donc le dictionnaire et j’apprends que cela veut dire “D’un baroquisme exacerbé, s’agissant de l’architecture ou de la sculpture décoratives espagnoles de la première moitié du XVIIIè sc” Franchement, ce n’est pas pompeux d’apparenter le style d’une culotte à l’architecture espagnole de la première moitié du XVIIIè siècle ???

J’arrête là mon petit coup de gueule car je sens que j’en ai perdu plus d’un. Ce que je dis là n’est pas très constructif, pourtant c’est la première chose qui me vient à l’esprit quand je parle de ce roman !

Pour en revenir au fond du roman donc, je n’ai pas trouvé l’intrigue policière très haletante. Même si j’avoue avoir été étonnée du meurtrier. Mais en fait, ce meurtre n’est qu’un prétexte. Et ce n’est là en rien l’important dans ce roman.

Et si l’important dans ce roman c’était la signification qu’Alejandro donne du tableau ? C’est ce que je croyais évidemment. Mais elle arrive presque comme un cheveu sur la soupe et surtout, elle part aussi vite que lorsqu’on chasse une mouche qui nous gêne. Un paragraphe seulement.

N’étant pas experte en art, je ne sais pas si cette explication est si géniale que ça. Elle est intéressante, à mes yeux, autant que n’importe quelle autre je pense. Ce que j’ai plus apprécié, c’est la réponse du directeur du musée de l’Accadamia : on n’explique pas ce tableau. On n’explique pas l’art. L’art se ressent. “L’art est une religion du sentiment”.

Je n’ai donc pas aimé ce roman que j’ai malgré tout lu assez vite et en entier. Certainement dans l’attente que quelque chose m’égaye et me fasse réellement apprécier ma lecture. Mais comment est-ce possible dans une Venise où “(son) ciel avait une couleur gâtée et indélébile (si l’on veut bien admettre la contradiction)* de fosse septique qui n’a pas été vidangée depuis des mois” (p.48) ? 😉

Et parce qu’il est impossible de lire ce roman sans savoir à quoi ressemble le tableau de Giorgione (que j’ai eu la possibilité de voir il y a quelques semaines et j’avoue être rester devant en me disant “bah qu’est ce qu’il a de si extraordinaire ?” mais je le répète, parce que je sens que je vais m’attirer des foudres : je ne suis absolument pas experte en art!)

* citation prise au hasard dans laquelle il y a une de ces répétitions dont je vous parlais plus haut !

Vous pouvez retrouver un avis qui rejoint totalement le mien sur le blog “au fil de nos lectures”

Published in: on 08/02/2011 at 6:13 AM  Comments (9)  

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9 CommentsLeave a comment

  1. Churrigueresque… hum, intéressant (air sérieux). Non, franchement, je suis morte de rire à la lecture de ton billet. Je fuis en courant mais (si l’on veut bien admettre la contradiction) merci pour cette leçon de vocabulaire.

    • 😉 Au moins, j’ai appris des mots 🙂

  2. J’ai lu le premier roman de cet auteur, “Les masques du héros”, en me disant que je n’en resterai pas là et que je le relirai même peut-être celui-là… Quelle inventivité, quelles idées bizarres et glauques fleurissent sous cette plume-là ! Moi, “churrigueresque” me plait bien, même si je ne sais pas de quoi il s’agit, juste pour la sonorité et l’effet baroque. Ceci dit, je n’ai pas lu le livre dont tu parles, l’effet est peut-être lassant…

    • ce sont surtout les répétitions qui sont lassantes ! Et puis ça donne vraiment un air pompeux au tout… Et puis les idées de ce roman là ne sont pas si bizarres… enfin pas à mes yeux !

  3. Je l’ai lu il y a quelques années, avant blog, et mon esprit critique était peut-être moins exercé que maintenant car je ne me souviens pas de tout cela… Je l’ai lu sans enthousiasme mais sans déplaisir.

    • tu l’as quand même lu sans enthousiasme ! 🙂

  4. Personnellement, j’aime beaucoup le style de cet auteur. Et je ne crois pas qu’il s’agisse d’un problème de traduction car on retrouve ces mots incroyables dans tous les livres que j’ai pu lire de lui.
    Pour l’interprétation du tableau, elle ne casse pas des briques en effet. Par contre, je crois que c’est plus pour l’ambiance que pour la narration que ses romans me plaisent.

    • Je suis ravie de t’entendre dire que l’interprétation ne casse pas des briques. Elle se tient, mais elle en vaut une autre, n’est ce pas ? Pour le style, je n’accroche vraiment pas !

  5. […] propose La tempête de Juan Manuel de Prada et Nu féminin de Patrick de […]


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