Le garçon incassable, Florence Seyvos

La narratrice de ce roman nous parle de son frère, Henri et de Buster Keaton. Deux garçons, devenus hommes, en retrait du monde. Deux garçons a priori incassables et pourtant très fragiles. L’un est devenu un acteur connu et l’autre ne sera à jamais que Henri, le demi-frère de cette femme dont on ne saura quasiment rien.

Ce roman est très touchant, triste et très fort en même temps. Comme ses héros : Buster et Henri.

C’est un très bon roman dans la mesure où il est bien écrit, bien construit, que le sujet est fort et beau à la fois. C’est également un très bon roman car il donne envie de prendre la main de Buster et Henri. C’est un très bon roman car il vous ouvre une grande porte sur la vie d’un homme en particulier (Buster Keaton : on ferme le livre en ayant envie de voir ses films et d’en apprendre plus sur sa vie et son “regard”) mais également sur la vie de toutes ces personnes un peu différentes qui au premier abord paraissent vraiment fragile mais qui, au final, sont sûrement bien plus fortes qu’on ne le croit.

Pourtant je ne pense pas que ce livre reste longtemps ancré en moi. Je le conseille, vraiment. J’ai envie de découvrir le premier roman de cette auteure, paru en 1995 parce que j’ai aimé son style, son ambiance, les émotions qui s’en dégagent…

Je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi je n’ai pas été touchée au plus profond de moi par ce texte. Peut-être simplement parce que je n’ai personne dans mon entourage, proche ou lointain, dans une telle condition et que cela reste pour moi une lecture… belle lecture certes, mais qui donc ne m’a pas fait vibrer comme on pu le faire “Un temps fou” de Laurence Tardieu ou, beaucoup plus récemment, “Uniques” de Dominique Paravel.

Uniques, Dominique Paravel

“Quel lien existe-t-il entre  deux phrases, entre deux personnes, entre plusieurs histoires ?”

Domnique Paravel, qui m’avait transporté avec ses nouvelles vénitiennes, signe ici son premier roman.

Et quelle claque ! Quelle tristesse ! Quelle beauté !

Des habitants de la rue Pareille à Lyon, des tranches de vie, des gens qui se croisent… et surtout une véritable fresque de notre société actuelle, dans ses aspects les moins glorieux.

On ne peut pas s’attacher aux personnages qui ne font que passer et pourtant, on a envie de pleurer à chaque page de ce livre. Pour la beauté du texte et de l’écriture, mais surtout pour la réalité de ce que nous sommes en train de lire.

Je ne saurais expliquer pourquoi mais dans ce roman tout sonne juste.

Et je n’ai pas envie d’expliquer pourquoi. “Uniques” est une œuvre d’art. Et, comme toutes les œuvres qui me touchent je préfère me contenter de ce ressenti fort, de cette sensation d’avoir une connivence avec l’artiste qui fait que je sais que l’œuvre résonnera en moi longtemps.

PS : livre à paraître le 22 août 2013…

La vie qu’on voulait, Pierre Ducrozet

Pour une fois, je viens vous parler d’un livre longtemps après l’avoir lu. Une dois la dernière page tournée, j’avais bien senti que j’avais besoin de laisser mûrir ce roman en moi. Surtout parce que je n’arrivais pas bien à déceler si oui ou non j’avais aimé.

C’est l’histoire de Lou, de Manuel et des trois autres “qui avaient 20 ans en l’an 2000” : la bande des cinq, partie à Berlin vivre sa jeunesse. Dix ans plus tard, Manuel est retrouvé dans le coma sur les berges de la Seine.

“La vie qu’on voulait” est le deuxième roman de Pierre Ducrozet et si je n’ai pas lu le premier, je n’en avais entendu que du bien. Ici j’ai particulièrement aimé l’écriture, assez poétique et en même temps très rythmée. Je n’ai par contre pas du tout accroché à l’histoire. Disons que je ne me suis pas du tout identifiée aux personnages et à leurs péripéties.

J’ai assez vite compris pourquoi : cette jeunesse dépeinte par l’auteur ne correspond pas du tout à la mienne, et leur état d’esprit à 30 ans non plus d’ailleurs (mais c’est bien normal). C’est la principale raison pour laquelle je me suis demandée pendant quelques temps si oui non j’avais aimé. Très peu de choses dans ce roman a fait écho en moi. Pourtant j’ai très envie de continuer à lire Pierre Ducrozet, à commencer par son premier roman “Requiem pour Lola rouge” dont le seul titre annonce un roman emprunt d’amour et de poésie.

Nos gloires secrètes, Tonino Benacquista

Je n’ai jamais vraiment aimé les nouvelles, mais j’ai toujours aimé Benacquista. Et ici j’ai retrouvé tout ce que j’aime chez Benacquista, et tout ce qui me dérange dans les nouvelles.

A savoir la frustration de sortir d’une histoire où les personnages sont attachants, terriblement humains, où les anecdotes sont croustillantes, tristes, étranges et qui se déroulent dans un univers relevant du micro-cosmos (j’aime vraiment les univers “micro-cosmo-scopiques” que créée Benacquista. Je les avais découvert dans “quatre romans noirs” et je me suis fait une joie de les retrouver !)

Il y a ici six nouvelles et ma préférence va nettement pour la première et la dernière. Rien d’étonnant à cela quand on se rend compte que ce sont les deux plus longues. On a plus de temps pour apprendre à connaître ces héros ordinaires qui cachent cependant une part d’ombre lumineuse (comme le dit si bien la 4è de couverture), leur vie, leur univers… Le tout fait de ces nouvelles des histoires vraiment touchantes.

On quitte chacun de ces hommes et femmes avec un sourire aux lèvres, une larme à l’œil, de l’admiration ou un pincement au cœur. Mais pour ce qui est de la nouvelle à proprement parler, le sentiment de frustration vient par-dessus. Frustration ou sentiment que l’auteur aurait pu aller plus loin mais que tout cela n’est pas abouti. Sauf, donc, pour la première et la dernière.

J’ai tout de même passer un bon moment de lecture et Benacquista confirme ici sa place dans mon panthéon, catégorie “J’aime”.

Le billet de benebonnou.

Published in: on 05/05/2013 at 7:37 PM  Comments (3)  

Le plus petit baiser jamais recensé, Mathias Malzieu

Le héros de notre histoire, inventeur-dépressif, a rencontré une jeune femme qui a disparu dès qu’il l’a embrassé. Il embauche alors un détective privé et son perroquet pour retrouver la fille invisible.

Je n’avais jamais lu Mathias Malzieu avant mais j’ai toujours su qu’il y avait une touche d’originalité et de poésie dans ses romans. En effet,  “le plus petit baiser jamais recensé” est une histoire tout douce et fraîche, pleine de poésie saupoudrée de quelques touches de surréalisme.

Le tout met du baume au cœur, donne envie de tomber amoureux et de manger les chocolats qui sont nés de cette histoire…

Madame Chrysanthème, Pierre Loti

J’ai dévoré ce Madame Chrysanthème, bien qu’il ne s’y passe pas grand chose. Le héros, Pierre Loti, tient le journal des quelques mois qu’il a passé au Japon, dans la baie de Nagasaki, et durant lesquels il a épousé une petite japonaise, Madame Chrysanthème.

Il relate ses journées, il raconte ce qu’il voit, les “japoneries” avec un style très fluide, très doux et très simple qui donne vraiment envie d’y aller dans ce Japon du XIXè siècle.

Et pourtant, il ne cesse de dire qu’il s’y ennuie, il ne cesse de se moquer de sa femme (bien qu’il ait “peur” que son ami marin ait des vues sur elle… mais on comprend dans la préface et toutes les notes qui suivent que ce n’était que pour les bienfaits de l’intrigue, afin que le lecteur ne s’ennuie pas trop)… bref dans ses dires le Japon n’a rien d’extraordinaire et tout de petit et d’ennuyeux.

Et pourtant (pour ne pas me répéter), ce roman est un vrai bijou, c’est un roman d’une douceur élégante et très sensible (ce n’est pas pour rien que Van Gogh a tellement apprécié ce livre !). je crois que tout vient des détails, des descriptions de quelques rituels, de bibelots, de la manière simple et étrange de vivre des japonais qui rendent très bien de l’atmosphère.

Pierre Loti s’est peut-être ennuyé là-bas mais il rend avec précision une ambiance typique vers laquelle on ne peut pas ne pas être si on en a un tant soi peu d’admiration et de fascination pour ce pays.

Published in: on 08/04/2013 at 8:15 PM  Comments (4)  
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Mes dernières lectures

“Les nuits de Patience” de Tobie Nathan.

Tobie Nathan est ethnographe, et c’est ce qui rend ce “polar” (qu’on devrait plutôt qualifier de roman noir) très intéressant. Patience est une très jeune femme très belle qui sort la nuit et qui mange les enfants. Ernesto, psychologue essaie de l’aider… Je n’en dirai pas plus, l’intrigue est assez bien ficelée mais tout de même étrange. On apprend en tout cas beaucoup de choses sur la vie en Guinée, sur certains rituels…

Un très bon roman noir ethnographique.

Nordyak a fait un coup de coeur.

 

“Profanes” de Jeanne Benameur.

J’ai lu plusieurs billets par ci, par là et encore là, sur ce roman. J’avais toujours entendu du bien de cette auteure sans jamais la lire. J’ai trouvé ce roman très bien écrit, doux dans son thème pourtant dur. Un roman qui fait réfléchir, qui donne la possibilité de se poser des bonnes questions en levant simplement le nez, en regardant les fleurs, les arbres et les tableaux qui nous entourent.

 

Deux belles lectures donc.

Ce qu’il advint du sauvage blanc, François Garde

Narcisse Pelletier est un jeune matelot qui se retrouve seul et abandonné sur une île. Il y vit pendant 18 ans, au contact des “sauvages” avant d’être retrouvé par des marins australiens, tatoué sur tout le corps, ayant totalement perdu l’usage de la langue française. Il est alors recueilli par Octave de Vallembrun qui lui ré-apprend sa langue d’origine, retrouve la trace de ses parents dans un petit village et lui inculque les moeurs de la société française au XIXè siècle.

Ce roman est tiré d’une histoire vraie.

Je n’aurai peut-être pas cru à cette histoire si cela n’était pas le cas.

En tout cas le roman, alternant le récit de Narcisse parmi les sauvages (complètement inventé, et c’est d’ailleurs bien dommage que nous n’ayons jamais pu avoir le récit de ces dix-huit années…), et des lettres d’Octave relatant les progrès de Narcisse, m’a beaucoup plu.

Je crois que c’est l’aspect à la fois ethnographique, pour la connaissance de la tribu. Le côté roman de voyage un peu aussi : on part en Australie, on prend beaucoup la mer… on part à l’aventure comme on le faisait au XIXè siècle pour découvrir le monde et j’ai également aimé cet aspect du roman.

Mais je crois que ce qui a le plus retenu mon attention c’est deviner comment Narcisse a pu perdre autant de facultés, et ensuite comment il les a ré-apprises, tout en ayant encore des façons de faire naïve. C’est un regard intéressant que Narcisse porte sur ce “nouveau monde”, du moins ce que l’auteur veut bien nous laisser en voir : certains concepts par exemple sont pour lui tellement abstraits qu’ils n’existent pas, ou qu’ils sont incompréhensibles.

Bref, j’ai beaucoup aimé ce roman. Et même si je ne suis pas sûre qu’il reste en mémoire très longtemps (quoique…) je le recommande chaudement à qui a envie d’un peu d’évasion, d’anthropologie, de découverte, de psychologie aussi quelque part…

L’avis de Kathel qui m’a donné envie.

Un écrivain, un vrai. Pia Petersen

Gary vient de recevoir le prestigieux prix littéraire “International Book Prize”. Son agent, sa femme, son éditeur, avaient tous prévu la suite : il allait devenir la star d’une émission de télé réalité “Un écrivain, un vrai”.  Le concept ? Gary écrit son prochain roman “en live” et les spectateurs ont à la fois la possibilité de dire s’ils aiment, et de participer au texte.

Mais très vite Gary n’en peut plus et veut retrouver sa liberté d’écrivain, d’expression, de solitude…

“Un écrivain, un vrai” de Pia Petersen est un roman plus que réussi, qui aborde deux thèmes. Le premier est la télé-réalité ou les méfaits de notre société de spectacle actuelle. Le deuxième est le processus d’écriture, le marketing de l’édition, la place et le rôle de l’artiste dans cette société du XXIè siècle.

Pia Petersen est danoise, écrit en français et situe son livre à New-York. Certains personnages sont peut-être un tantinet caricaturaux (notamment la femme de Gary, prête à tout pour simplement exister, ou encore la “maîtresse” Alana, jeune journaliste ambitieuse qui tombe amoureuse pour un simple regard), mais à part cela, elle peint un tableau très juste de notre monde contemporain.

Et elle le fait avec une plume magnifique.

Des thèmes actuels, passionnants, un ton poétique, un voyage à travers New-York, son paysage, ses habitants et leurs habitudes : “Un écrivain, un vrai” est un roman à mettre entre toutes les mains.

J’avoue être un peu perturbée par l’épilogue.La véritable fin est fermée pour le personnage principal mais ouverte pour tous les autres. Elle est surtout ouverte pour le lecteur sur un véritable questionnement philosophique. L’épilogue me semble casser cette voie et de plus, nous empêche carrément d’imaginer une suite pour chacun… J’aime parfois avoir des fins ouvertes pour laisser vivre les personnages à mon gré. C’est un choix de l’auteure de ne pas le faire mais je trouve la forme ici mal venue. Ça ne m’empêche pas pour autant d’avoir grandement apprécié ce roman, que je relirai certainement un jour.

Les billets élogieux de InColdBlog et de Cathulu.

Je vais mieux, David Foenkinos

Je crois que je n’ai encore jamais été déçue par un roman de Foenkinos. Pourtant, il s’agit ici d’une histoire plus que banale : un homme, 40 ans, a subitement mal au dos. Il cherche la cause de ce mal et de fil en aiguille, ou plutôt de nerf en nerf, sa vie déraille…

Mais David Foenkinos a un je-ne-sais-quoi qui rend ses romans absolument délicieux. C’est principalement son humour, distillé dans les notes de bas de page et dans les encarts “Intensité de la douleur ; Etat d’esprit”. Mais aussi la manière qu’il a de parler de la Suisse ou de l’Allemagne, de comparer une femme à un roman russe, d’intégrer deux polonais (je les ai guettés ceux-là!), de parler des différentes doses de féminités à travers la nuque ou une coupe de cheveux, d’inviter tous les protagonistes de son histoire lors du grand final… Des détails de rien du tout qui rendent l’œuvre si originale. D’ailleurs, le seul adjectif qui convient c’est “foenkinesque”.

L’histoire en soi est émouvante et belle. Elle donne envie de voyager, de serrer ses enfants dans ses bras (quand il parle de l’amnésie que procure le corps de son enfant, ô que oui !!), de tomber amoureux aussi.

Un livre qu’on pourrait classer dans “les livres qui font du bien”. Un régal. Une douceur au goût de nostalgie…

Merci David Foenkinos pour ce merveilleux moment de lecture !

Published in: on 21/01/2013 at 9:37 PM  Comments (14)